Vaincu par Elle

 

LES GLADIATRICES


extrait d'Anne BERNET, "Les Gladiateurs", édition Perrin, 2002, aimablement transmis par notre correspondant CRJ57

"Car voilà une innovation qui fait vaciller la société romaine : Néron, qui a déjà poussé l’aristocratie à combattre dans l’arène, l’associant ainsi plus étroitement à ses propres turpitudes, encourage la présence, jusqu’alors marginale, presque inexistante, de gladiatrices et de femmes bestiaires. La mode en fait fureur parmi les patriciennes, qui apprennent l’escrime gladiatorienne sous le regard horrifié de tout ce qui reste de vertueux dans cette ville de perdition. Elles ne se contentent pas de l’apprendre, hélas ; elles la pratiquent et s’exhibent en public, pour l’éternel déshonneur de leurs pères, époux, frères, qui ne s’en offusquent pas, appartenant eux-mêmes à la coterie des amis du Prince, prêts à l’encourager dans ses débordements.

Bien entendu, pas plus que les patriciens qui s’encanaillent dans l’arène, sans risquer la traditionnelle infamiasuspendue par le bon plaisir de Néron, et se battent à armes mouchetées, ces dames ne prennent de risques mortels. Elles sont là pour s’amuser, et scandaliser la vieille Rome des sénateurs stoïciens, pas pour se blesser et nuire à leur beauté.

amazon gladiatrice A coté de ces femmes qui cherchent des dérivatifs à leur ennui de riches oisives, existent, cependant, des gladiatrices professionnelles.

 

Toutes sont de condition servile, esclaves à qui l’ont n’a laissé aucun choix, les consacrant à la gladiature comme d’autres à la prostitution. Les premières dont on ait gardé la trace paraissent avoir été les filles du harem privé d’un riche commerçant oriental qui ordonna, par testament, qu’elles combattraient jusqu’à la mort le jour de leurs funérailles. Cette décision renvoyait, d’évidence, à un rituel de sacrifice humain très antérieur. L’excellent homme ne voulait pas que ses concubines lui survivent… Par chance pour ses malheureuses, le conseil de la cité ne s’y trompa pas, et, désapprobateur, il cassa cette clause abusive, leur épargnant d’avoir à s’entretuer sur la tome de leur maître.

Ensuite, l’on s’habitua à la présence des femmes, qui ajoutait au sang, à l’horreur, au spectacle de la mort donnée et reçue l’érotisme qui lui manquait encore. Les gladiatrices combattaient les seins nus ; le voyeurisme qui constituait le moteur essentiel de ces exhibitions ne s’en porta que mieux. (souligné par moi). Les précédents historiques, depuis les légendaires Amazones jusqu’aux terribles cavalières gauloises et bretonnes, qui combattirent avec Vercingétorix ou Bodicée, ne manquaient d’ailleurs pas, qui justifiait l’existence de femmes guerrières.

Au vrai, il semble que, à la différence des hommes, elles n’étaient pas destinées, sinon par accident, à périr dans l’arène. Alors que la missiodes gladiateurs commençait à n’être presque plus jamais demandée, celle des femmes dut l’être toujours. Cette clémence tenait peut-être en partie à leur petit nombre dans la profession. Rares, elles étaient précieuses, et devaient être ménagées parce que beaucoup plus difficile à remplacer que les garçons.

a-50 Combien furent-elles ?

Il est impossible de l’estimer. L’épigraphie n’a retrouvé la trace que d’une seule paire de gladiatrices, qui combattirent à Halikarnasse. Elles se nommaient Amazone et Achilléa, pseudonymes de gladiature comparables à ceux des hommes. La vaincue fut épargnée, la gagnante libérée de l’obligation de combattre. Cette mansuétude laisse supposer, malgré tout, une gêne persistante parmi les spectateurs qui ne parvirent jamais à tolérer le massacre des filles dans l’arène comme ils y toléraient celui des garçons.

Aux premières années du III° siècle, Septime Sévère décida d’interdire la gladiature aux femmes. Personne ne tenta par la suite de la leur rouvrir, preuve que les mentalités, à travers l’empire, ne s’y étaient pas accoutumées.

L’on s’en tint désormais à des combats plus classiques, et pour faire oublier les formes affriolantes des gladiatrices, l’on massacra beaucoup plus de gladiateurs. Eros céda la place à Thanatos.

Les femmes choquaient dans l’arène ; les infirmes bien davantage encore."

Nos remerciements vont à CRJ57

Mer 28 sep 2011 Aucun commentaire