Vaincu par Elle

Il fréquentait Birgit depuis pas mal de temps. C'était une grande et très forte demoiselle, une blonde rousse. Statuesque, elle se prétendait descendante des Vikings... La force physique de Birgit l'apeurait et le fascinait tout à la fois. Elle se refusait à lui, d'ailleurs, sans qu'il sache très bien pourquoi. Il avait bien essayé une fois ou deux de lui faire des avances, mais elle l'avait repoussé. Un jour qu'il avait voulu l'embrasser, elle avait résisté avec vigueur et lui avait mis une bonne raclée pour lui apprendre le respect. Alors il n'insistait plus. Pourtant ils étaient toujours amis, elle « l'aimait bien », disait-elle, et ils continuaient de se voir. De temps en temps elle chahutait et le lutinait un peu, pour le plaisir de lui montrer qu'elle était plus forte que lui, mais c'était tout. Pas question de sexe, ni même de flirt poussé.

De plus en plus amis, ils commencèrent à cohabiter, toujours platoniquement. Birgit s'était mise au judo et l'avait invité à pratiquer ce sport, lui aussi.. L'un bien en face de l'autre, en position debout, le jeu consistait d'abord à pousser et tirer l'adversaire pour le faire tomber. Ils n'avaient pas tellement de technique, leurs ceintures étaient celles de débutants. Mais elle aimait bien l'emmener  au judo, son  « petit fiancé », comme elle l'appelait par dérision.. Forcément, elle gagnait tout le temps ! bien campée sur ses jambes, il n'arrivait pas à la faire bouger. Elle aimait ça, le judo, elle était douée, elle progressait,  elle apprenait méthodiquement à lui faire des croche-pieds et à l'envoyer au tapis ! lui se lassa un peu, il ne venait plus guère aux entraînements.

Elle insistait pour qu'à la maison, ils s'entraînent encore un peu ensemble, elle voulait faire ce qu'elle appelait du « travail au sol », soi disant  parce qu'à la maison on ne pouvait pas faire de combat debout, faute de tatami. On peut dire que ça aussi elle aimait bien, le « travail au sol »... forcément, elle avait toujours le dessus ! il ne lui fallait pas longtemps pour se coucher sur son « petit fiancé », l'immobiliser et l'obliger à se rendre ! hmmm ! quel plaisir de se coucher sur lui et de l'obliger à se rendre !

Ces soi-disant « fiançailles » duraient depuis pas mal de temps. Dans sa famille à lui, on le plaisantait à l'occasion : « alors, quand est-ce que tu l'épouses, ta Birgit ? ». Certains copains, qui devinaient sa situation de mâle dominé, lui envoyaient des remarques humiliantes, du genre « T'es pas à la hauteur, mon pauvre, elle est trop forte pour toi ». Tout le monde se moquait de lui. Un jour, son propre père, un type assez macho, le prit à partie :

«Mon fils, tu me fais honte, tu n'es qu'un minus, tu ne sais pas t'imposer, tu n'es pas un homme, un vrai ! je suis sûr que tu n'a même pas été foutu de la baiser ! moi à ta place, il y a longtemps que je l'aurais forcée, ta Birgit. »



Birgit, ayant eu ouï dire de ces propos par des indiscrétions, exigea qu'on convoque le père à la maison pour une explication. Et comme visiblement ce monsieur ne connaissait que les rapports de force, elle lui lança un défi devant tout le monde ! Manque de bol pour lui, entre temps elle avait progressé en judo, elle était à présent ceinture noire, et plus forte que jamais. Sur la pelouse du jardin, il ne fit pas le poids, le beau-père ! elle eut vite fait de l'immobiliser et elle en profita pour l'humilier, lui faire mal, le faire crier de douleur, et cela pour lui apprendre à respecter les femmes en général, et aussi ce couple très particulier qu'elle formait avec son fils.


Ensuite il se passa une chose inattendue : c'est elle qui demanda le fils en mariage, « parce qu'elle l'aimait, sinon elle ne serait pas restée tout ce temps avec lui ». Elle prit la peine de bien préciser que le mariage ne serait consommé que quand « elle » le déciderait.


Et la famille accepta, bien sûr, car refuser Birgit, c'était avouer devant tout l'entourage qu'on la fuyait parce qu'on en avait peur, tandis que l'accepter c'était la seule chance pour eux de continuer à dissimuler le fait qu'elle exerçait une domination physique sur toute la famille de celui qui allait devenir son « petit mari ».

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NB d'Aristote : le roman de Pascal Bruckner (photo ci-contre) traite d'un thème similaire de "petit mari", roman qui intéressera ceux qui ont le fantasme des géantes.

Sam 5 jan 2008 Aucun commentaire