Vaincu par Elle


J'ai reçu la visite de mon vieil ami Socrate. Si je ne fus pas surpris du motif de cette visite, j'ai tout de suite flairé un piège, car derrière un questionnement typiquement socratique, le vieux stratège visait, sans se dévoiler, à me faire avouer autre chose :

Socrate : Bonjour Aristote ! comment vas-tu, depuis tout ce temps ? je n'irai pas par quatre chemins et te poserai tout de suite la question qui m'amène : Aristote, te rendras-tu à Liège pour ce week-end ?

- Sacré Socrate ! tu ne perds rien pour attendre, homme lige de ta femme, avec ta question-piège sur Lîdge. J'ai tendance à te répondre d'abord brutalement : nous autres, misérables vieillards, pauvres philosophes, mais qu'irions-nous donc faire à Liège ?
nous qui ne sommes plus aux  yeux de nos épouses que de vulgaires sièges ?
nous qui, dans toute décision à prendre,
ne pesons pas plus lourd que des bouchons de liège ?

- Voyons, Aristote, tu ne me feras pas croire que tu n'es jamais allé à Liège !
et ailleurs en Belgique ! car enfin je me souviens parfaitement de tes récits enflammés quand tu rentrais d'une virée chez Dame Béatrice !

- Il est exact que naguère j'ai maintes fois rendu visite à Dame Béatrice de la Goffe en son manoir de la Roche Forte. Plus d'une fois elle m'a fait cruellement mordre la poussière de son tapis. Elle était entourée de toute une cour d'apprenties lutteuses qu'elle formait au combat. Jamais je n'oublierai Béatrice, ni son inséparable vieux Jean-Michel, d'ailleurs, sorte de trouvère à dévotion,  toujours savourant les victoires de sa Dame et chantant ses louanges.
Mais cela, c'est du passé. Tu sais bien, Socrate, que les élèves de Béatrice (Anne, Nadège, Xana etc.) ont depuis longtemps pris la relève. D'ailleurs, j'ai appris des choses sur toi à ce sujet. On m'a dit que tu avais épousé l'une d'elles. Mais laissons cela pour l'instant.

- Pas de diversion s'il te plaît ! j'en reviens à ma question : iras-tu à Liège, à l'invitation d'Anne de la Frappe ?
Et d'ailleurs, es-tu déjà allé à Liège, Aristote ?
Hein ! avoue, au moins !

- Bien sûr que je suis allé à Liège ! Et que j'y retournerais bien volontiers, ne serait-ce que pour y faire du tourisme !

Liège est une ville magnifique, une ville toute chargée d'Histoire. Qu'on songe à Théroigne, cette terrible "Belle Liégoise" de la Révolution Française, qui voulait former une phalange d'Amazones pour aller régler son compte à Marie-Antoinette !...





C'est une ville qui a toujours su mettre en valeur la Femme dans les Arts et j'ai mille raisons de me rendre régulièrement à Liège,


pour aller écouter une chanteuse d'exception,

pour assister à un e exposition de bandes dessinées, 














ou encore pour admirer les magnifiques statues à la gloire de la Femme qui ornaient jadis - et n'ornent plus guère hélas - les parcs de la ville.



- Tu sais bien que ce n'est pas de tourisme que je veux parler, mais de l'invitation d'Anne de la Frappe ! elle fait venir des lutteuses, elle nous invite à venir admirer ces filles splendides et nous mesurer à elles le tournoi d'Anne

- Anne de la Frappe !  mais en combat, quand elle est en forme,
Anne n'est pas qu'un ouragan comme elle se fait appeler, c'est un tsunami ! Les témoignages abondent de mes correspondants et amis :

témoignages d'amis sur Anne

J'ai déjà ma femme sur le dos, je ne me vois pas me colleter Anne et son escouade de lutteuses au nom ronflant d'Hurricane fighters ! Soyons raisonnable, Socrate, sachons accepter la réalité de nos âges avancés...

- Je n'ai pas dit que j'irais, car je crains, moi aussi, les colères de ma jeune épouse.

  - Ah ! tu avoues ! et qui porte la culotte dans votre couple ? on raconte même que tu es historiquement l'inventeur du pugilat à sens unique ("one-sided") pour endosser le rôle commode de la victime, alors qu'en fait elle serait parfaitement capable de te démolir même en cas de combat où tu t'autoriserais à donner des coups ? Est-ce exact ?
   
- Je ne répondrai pas à cette question insidieuse. En tout cas, l'annonce que nous fait Anne de ce grand rassemblement est fort allêchante. Si j'ai bien compris, nous pourrions "prendre nos repas avec les lutteuses", et nous pourrions même "loger dans le même hôtel" ! 

- Ah ! je te vois bien, mon pauvre Socrate, t'introduire dans la chambre de quelque robuste fille évadée d'une toile de la peinture flamande, pour observer en cachette la belle en train de frotter d'huile ses muscles puissants, ou de coiffer ses beaux cheveux.










- J'avoue mon rêve secret que la luronne me suive dans ma chambre pour quelque ébat coquin !

- Mais cesse donc de rêver, mon pauvre Socrate ! n'oublie pas que tu es désormais sous la coupe de Xana, qui t'en fait voir de toutes les couleurs
et n'acceptera pas ton inconduite sans te châtier sévèrement.

- Qu'est-ce que tu racontes là, Aristote ? Mon épouse s'appelle Xanthippe, et non Xana !











- Cesse de mentir, Socrate, c'est bien elle !
elle a gardé le nom "Xana", racine grecque faisant référence à sa blondeur, et elle a simplement rajouté le suffixe "hippe" en rappel de ses grandes qualités de cavalière capable de chevaucher ce qui se présente à elle, y compris un vieux canasson dans ton genre.




- Bon, admettons, mais où veux-tu en venir, Aristote ?


- Cette conversation a assez duré, Socrate. Pour moi la conclusion est simple :
La décision d'aller à Liège ou de ne pas y aller c'est ton épouse qui la prendra, ce n'est pas toi !  Dans le pire des cas, elle ira à Liège sans toi, Xana ! car elle fait partie de l'équipe d'Anne de la Frappe, c'est bien connu.

Si jamais elle accepte ta présence, alors vous irez ensemble, bras dessus, bras dessous.
La même chose vaut pour moi, d'ailleurs. Je n'ai aucune liberté de mouvement. Phyllis ne me laisserait pas y aller seul.
Car dans nos couples, c'est bobonne qui porte la culotte et décide, tout le monde le sait !
Et c'est vrai d'ailleurs de beaucoup des sympathiques lecteurs de mon blog, qui mènent eux aussi des vies rangées sous la coupe de leurs dragons d'épouses.



Mais je doute fort que ta femme t'emmène à Liège. Xanthippe est connue pour mener une vie indépendante, elle aurait honte de s'afficher en compagnie du philosophe croulant que tu es devenu.
La rumeur court qu'elle te refuse l'accès à sa chambre et te vide des pots de chambre sur la tête...
La vieillesse est un naufrage, mon pauvre Socrate, et nos jeunes épouses ne sont pas seules à nous délaisser.
Ne murmure-t-on pas que tes ennemis dans la Cité complotent contre toi et se préparent à te faire boire la ciguë ?
Dans les épreuves qui s'annoncent, je te prie de croie en ma très fidèle amitié, mon cher Socrate.

Au revoir, et bon courage !

Mer 14 oct 2009 Aucun commentaire